Ce récit a été rédigé par Mr KECHADI SAID avec la contribution rédactionnelle, de structuration, d’organisation et de recherche d’informations historiques complémentaires de Mr HAMICHI SAID. Toute information nouvelle ou corrective jugée utile pour enrichir le contenu de cette histoire sera analysée et intégrée.



Durant la période de la colonisation française de 1830 à 1871, la tribu Iwaquren a été de toutes les batailles contre la présence française. Avant cette date, nous n’avons malheureusement, aucune information sur l’histoire de cette communauté, elle est en cours de reconstitution. Son esprit de révolte contre l’injustice du colonialisme français s’était manifesté dès les premiers jours de la prise d’Alger (à Sidi Fredj) en 1830. Leurs ancêtres étaient, avec At Melikéche leurs alliés de toujours, dans les 25 000 Kabyles1 qui ont rejoint l’armée de Hussein Dey composée de la milice janissaire et de contingents fournis par les Beys d’Oran, Constantine et Titteri pour défendre Sidi-Fredj (Alger) contre les Français. Ensuite, ils ont été parmi les tribus qui ont mené la bataille d’Ichériden en 1857, contre la division Mac Mahon, pour défendre la Kabylie. Enfin, ils avaient participé à la bataille de 1871 à Seddouk, lors du soulèvement d’El Mokrani. Parmi les leaders kabyles de cette dernière bataille, il y a un Awaqur instruit et intelligent, Yahia at Kechadin.
Qui était Yahia at Kechadin (Kechadi).
Il était né à Ighzer Iwaquren en 1825 et décédéen 1885. Il était devenu aveugle en 1883 suite à une maladie. Il était le cadet d’une fratrie de cinq garçons, d’une famille paysanne relativement aisée. Son père, avait senti le besoin d’avoir un instruit parmi ses enfants pour comprendre et développer son patrimoine. Il avait choisi son cadet Yahia pour ‘l’envoyer en formation’, dans une école à Seddouk pour étudier les sciences et les calculs alors qu’à l’époque l’instruction des autochtones se faisaient dans les medersa (écoles) islamiques. Yahia a été choisi par son père pour ses qualités exceptionnelles qu’il avait décelées en lui. Il était éveillé, avec une intelligence remarquable pour un enfant de son âge. Quant aux quatre frères, plus âgés, plus aguerris pour supporter la pénibilité, ils les a gardés pour l’aider dans ses des activités agropastorales.
Yahia, à 13 ou 14 ans, était donc parti suivre ses études pendant un temps (certains disent une ou deux années). Cet adolescent s’était, non seulement formé, mais il avait également tissé un réseau de relation avec ses camarades de l’école et avec d’autres kabyles de toute la région. Son sens du relationnel avait démontre un esprit d’ouverture et de curiosité précoce. Il semblerait qu’il a été remarqué et approché par les membres ou les proches de la famille El Mokrani, comme l’indique l’histoire dans la préparation et le déclenchement de l’insurrection de 1871. Il se rendait à Seddouk avec un autre Awaqur (at taddert, information à vérifier) de Ighzer Iwaquren à Seddouk, à pied. Le trajet prenait plusieurs jours, en traversant les monts et vallées sans craindre les brigands et de bandits de chemins. Il revenait tous les trois mois, périodes de vacances, toujours (avec l’autre Awaqur) par le même itinéraire (la reconstitution de cet itinéraire apporterait des précisions à cette histoire). Enfant et adolescent, il avait montré une maturité exceptionnelle. Un jour, un vieux sage devait régler un différend avec une autre tribu. Les conditions de sa santé et son âge n’étaient pas réunies pour qu’il se rende à cette réunion. Il avait réuni les personnes qui allaient le remplacer pour leur donner des conseils sur ce qu’ils devaient dire en simulant les réactions de la partie adverse. Yahia, intervint à la fin de la réunion pour lui dire : si nos interlocuteurs ne réagissaient pas comme tu viens de le dire, qu’allons-nous dire ? Le vieux et les autres personnes, surpris par une telle question, le désignèrent sur place comme leur chef pour aller à cette rencontre.
A son retour à Ighzer Iwaquren, après ses études, il avait acquis des connaissances qui ont complété sa formation dans plusieurs métiers. Il était menuisier, il fabriquait toute sorte de meubles dont son buffet de 3m sur 2 en bois dur où il déposait tout son matériel et documents personnels (cahiers, livres, son ardoise d’école, ses plans d’achat de toutes ses parcelles de terrain…). C’était son coffre-fort inviolable. Il avait construit un four pour fabrication de tuiles et briques. Il était forgeron, il fabriquait des outils pour les agriculteurs et les paysans. Il était aussi calligraphe, il dessinait des motifs sur des tapis. Il s’intéressait à tout. D’ailleurs, au cours d’une visite à une famille à Ath Hicham, au moment où il allait repartir, la famille hôte, par tradition, lui avait offert un lot de nourriture (a3win) pour le retour. Il avait décliné poliment l’offre du lot de nourriture pour demander un petit tapis usé sur lequel était couché leur chien. Sur ce tapis, il avait remarqué des motifs et des dessins qui attitraient plus son attention et qui représentaient un intérêt culturel et économique, pour lui. La famille, surprise par cette demande d’un produit sans valeur pour elle, avait accepté et lui avait remis ce bout de tapis. En revenant à Ighzer, il avait repris et tissé des tapis avec les motifs at Hichem devenus des « motifs at Kechadin », dans la région et chez Iwaquren. Il s’était marié vers 1840, après ses études avec une fille de sa famille, Bekhi at Kechadin. Ils ont eu douze enfants dont sept moururent dans l’enfance. Parmi les cinq vivants, deux garçons et trois filles ; un des deux garçons, Allouche, était né avec un handicap dans la plante du pied droit.
Avec ses activités florissantes, de menuiserie, de forge, de fabrication de tuiles, de calligraphie-tapisserie, sa famille était devenue très aisée matériellement et financièrement. Il avait investi dans l’achat de plus de 30 hectares des terres à Tisgharin n Cherfa (des rives d’Assif Iwaquren jusqu’au centre de Chorfa). Son réseau d’amis et de connaissances qu’il avait construit pendant ses études à Seddouk, s’était étendu avec les déplacements dans le cadre de ses activités commerciales. Il était devenu un homme d’une grande notoriété, connu dans toute la Kabylie. Dans son village Ighzer Iwaquren, il était le chef d’une famille de 95 personnes et chef du comité de village. Il faisait partie du groupe des douze sages qu’on appelle (tarba3t n tnach 12), qui était appelés pour résoudre des différends au niveau régional de la Kabylie. D’après certaines sources verbales, quand Yahia at Kechadin prenait la parole dans des réunions de règlement de conflits et des problèmes divers, tout le monde l’écoutait. Les solutions qu’il proposait étaient, souvent, souvent adoptées par le groupe des sages.
Yahia at Kechaden, l’un des chefs de l’insurrection de la Kabylie en 1871 : avant le soulèvement
Son engagement dans la lutte contre l’oppression française, ne s’était pas limité à son engagement physique et personnel, pendant la rébellion. Il avait organisé trois réunions dont une dans les années 1866 – 67, pour préparer le soulèvement de 1871, et deux autres pendant. Les présents étaient Boumezrag Mokrani (frère de Mohammed El Mokrani) et les chefs des tribus qui soutiennent Mohammed El Mokrani. Pendant la période de 1866 – 1868, la population algérienne était frappée par des catastrophes naturelles et sanitaires et par la famine. Il y avait une invasion de sauterelles, de la sécheresse, des épidémies de choléra et du typhus. Près de 600 000 algériens y sont morts, environ 10% de la population1 de l’époque. Bekhi surnommée ‘tameziant’ (la petite), l’épouse de Yahia, qui était chargée de la préparation des repas, avait de la viande mais très peu de légumes. Elle leur avait préparé un couscous avec la viande d’agneau ‘assaisonnée’ avec un dosage savant de miel. Les témoignages avaient rapporté l’agréable surprise quand ils avaient goutté les repas. Ils l’avaient trouvé savoureux et découvert un couscous avec un goût sucré – salé, rare dans notre région. A leur curiosité de connaitre le nom de cette recette de couscous, Yahia leur avait répondu, ‘quand vous aurez fini de manger, vous lui donnerez un nom’.
Yahia at Kechaden, l’un des chefs de l’insurrection de la Kabylie en 1871 : pendant le soulèvement
La révolte de Mokrani, aussi appelée l’insurrection de 1871 en Algérie, et appelée en kabyle « Nnfaq [n] Urumi », est déclenchée le 16 mars 18711. Elle avait soulevé plus de 250 tribus1. La tribu Iwaquren appelée ‘Beni Ouakour’ à l’époque y avait part avec un groupe mené par Yahia at Kechaden. . Il était l’un des chefs, dans sa préparation et dans son déclenchement, dès le début. Il avait l’âge de 46 ans. Il avait constitué un groupe de plusieurs dizaines de volontaires venus des tribus limitrophes (il n’y a pas d’informations précises sur le nombre de volontaires et les noms des tribus). Parmi ces volontaires, il y eu six autres Iwaquren qui sont : Hmimi at Qaci at Votmar ( Boutemeur), Slimane at kechadin (Kechadi), Hadj M3amar (Arab), Hadj Said l3arvi (nom de famille à trouver), Hadj said At Votmar (Boutemeur) et Ali Mohand Ous3id (Saidi). Il était aussi un fournisseur d’armes et de munitions qu’il fabriquait dans un atelier aménagé sur un terrain proche de sa maison, à Tansewt, lieu de la réunion des congressiste. C’est dans cet endroit, également, que se déroulait l’entrainement des volontaires engagés dans l’insurrection.
Sur ses faits d’armes, nous ne connaissons qu’un seul acte. Lors d’un affrontement entre une troupe française mené un officier et un groupe de Yahia at Kechaden, ce dernier était tombé et mis en joug par l’officier. Il avait tiré à deux ou trois reprises, sans effets, avant de se rendre compte que son arme était enrayée ou n’avait plus de cartouche. A ce moment, l’officier lève les bras pour se rendre à Yahia qui donne l’ordre à ses hommes qui allaient abattre le français, de ne pas tirer, l’officier se rend. Nous n’avons pas d’informations sur la suite et de cette opération, hormis la vie sauve de l’officier que nous retrouverons plus tard..
La bataille contre l’insurrection prend fin avec la capture de Bou-Mezrag le 20 janvier 1872. Yahia at Kechden a été arrêté en octobre 1873, dix huit mois plus tard avec un membre de la famille El Mokrani (information à vérifier). Il a été emprisonné à Ta3dmit (Médea actuellement) dans la même période (la date exacte est inconnue). Par arrêté du Gouverneur Général D’Algérie l’amiral Louis Henri de Geydon du 8 janvier 1872, sur les informations du rapport du Colonel GOURSAULT, commandant la colonne expéditionnaire de l’Oued Sahel, il était inculpé du chef d’accusation de rébellion et hostilités aux autorités françaises (documents joints).
‘La répression pénale était menée sous le gouverneur général de Gueydon. Elle se traduit par l’Algérie est française. Plus de 200 Kabyles sont internés et de nombreuses déportations ont lieu à Cayenne ou en Nouvelle Calédonie (on parle des « Algériens du Pacifique »1). Yahia at Kechaden encourait donc la peine de mort ou la déportation en Nouvelle Calédonie et la séquestration de tous ses biens mobiles et immobiles ; sentence réservée à la majorité des insurgés. La presse de l’époque indiquait ‘3 sanctions attribuées aux insurgés mais également à leur famille et plus généralement aux tribus ayant participé à l’insurrection : la contribution de guerre, la séquestration de biens et terres des tribus. Ils devaient être jugés en Cour d’Assise des insurgés1’.
Pendant qu’il était en prison, il pensait à sa famille et surtout à son fils Allouche. Il demandait comment se portait le petit Allouche, mort ou vivant, craignant qu’il soit emporté par la mort comme ses sept autres enfants avant lui. Ses cousins et ses oncles qui lui rendaient visite le rassuraient en lui disant ‘qu’il est en bonne santé’. Mais, il ne les croyait pas. Il vivait dans le doute et la peur. Un jour, les visiteurs de Ta3dmit avaient dit à la femme de Yahia, Bekhi at Kechadin, que son mari n’était pas convaincu que son fils Allouche était vivant. Dotée, elle aussi d’une grande intelligente, elle avait pris l’empreinte de la plante du pied de son fils Allouche, qu’elle avait moulée dans la pâte de semoule et cuite pour donner la preuve de son fils vivant.
Pendant son procès, il avait assuré sa propre défense. Par la force de son verbe, orateur habile et débatteur aguerri, il avait subjugué le juge et l’auditoire en répondant à l’interrogatoire très tendu. Il répondait aux questions avec une telle conviction que le juge ne pouvait trouver d’arguments pour le contrecarrer. Les présents avaient remarqué le besoin du juge de se désaltérer à plusieurs reprises (était-ce la chaleur de la salle ou le débat contradictoire avec l’accusé ?). Il avait les lèvres asséchées par l’intensité des échanges. Les proches avaient retenu la phrase : ‘Yahia at Kechadin avait assoiffé le juge’ (Yahia at Kechadin is faden juge). La défense de Yahia avait bénéficié d’un témoignage inattendu qui avait joué en sa faveur. Il s’agissait du témoignage miracle de l’officier français qu’il avait sauvé de la mort décrit ci-dessus Son témoignage en faveur de Yahia, avait pesé positivement lors des délibérations du procès. Il avait ainsi évité la peine de mort et la déportation en Nouvelle Calédonie, sort réservé à la majorité des emprisonnés de l’insurrection d’El Mokrani. Il a été condamné à quelques mois de prison d’où il est sorti en octobre 1875. Par contre, il n’avait jamais récupéré ses de 30 ha de terre séquestrés à Tisghrin à Chorfa.
Yahia at Kechadin libre.
A sa sortie de prison, il y avait un Caïd à qui il faisait de l’ombre. Il surveillait tous ses faits, gestes et ses déplacements. Il n’était pas heureux de sa libération. Yahia at Kechaden avait repris sa place et son rang dans le village. Le Caïd rapportait tout ce qu’il faisait au colonel Goursault, commandant de la colonne de Oued Sahel. Il l’avait notamment dénoncé comme un fabricant d’armes et de munitions. Le commandant avait mobilisé ses soldats pour venir à Ighzer Iwaquren et fouiller de fond en comble la maison à Bouhbouyen et à Tansewt, sans rien trouver. En partant, les soldats avaient laissé un désordre qui avait fait réagir, courageusement Yahia at Kechaden. Il avait interpellé le commandant : si vous avez trouvé des armes quel aurait été mon sort ? La mort, fut la réponse du commandant. Maintenant que vous n’avez rien trouvé, pourquoi vous laissez un tel désordre, répondit Yahia ? Après un moment de réflexion, le commandant avait rappelé ses soldats pour remettre de l’ordre avant de partir. D’un regard noir, il s’adresse au Caïd : ‘à partir d’aujourd’hui tu n’es plus Caïd, tu n’es qu’un menteur’. Depuis ce jour on disait : ‘Yahia at Kechadin a dégradé le Caïd (Yahia at Kechadin iksen lqayed s lahkem’).
1 Information.s recueillies sur wikipédia recoupées avec des ouvrages cités en références
KECHADI SAID
Nous devons rechercher les informations sur le six compagnons iwaquren de Yahia at Kechadin pour connaître leur histoire: Hmimi at Qaci at Votmar ( Boutemeur), Slimane at kechadin (Kechadi), Hadj M3amar (Arab), Hadj Said l3arvi (nom de famille à trouver), Hadj said At Votmar (Boutemeur) et Ali Mohand Ous3id (Saidi).
Ce site que vous avez créé depuis l’étranger est un support qui pourra contribuer à la diaspora rffourienne et aussi g thmurth. Bravo
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Merci Hamane. Il est effectivement destiné à promouvoir l’image Iwaquren.
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