Tizimit, renaissance et division Iwaquren

Ce que je raconte ici est le fruit de mes souvenirs personnels et de mon vécu. Tout complément, précision, commentaire, est le bienvenu pour enrichir notre histoire.

L’3arch Iwaquren de Tizimit s’est divisé en deux groupes sans possibilité de dater cette séparation. Quant aux raisons, il n’y a aucune information sûre. On ne peut émettre que des hypothèses recueillies par voie orale.

La première serait la croissance démographique, les contraintes sociales et économiques et les risques sécuritaires dus à l’exposition de l’emplacement de Tizimit sans végétation. 
La deuxième serait la maltraitance d’une belle-mère qui a poussé un groupe de frères à quitter Tizimit
La troisième serait un événement survenu après la bataille de Tizimit qui aurait divisé les frères.

Un groupe a pris la direction de l’Est, il s’était arrêté à l’emplacement de actuel ‘Taddart Lejdidh’ où il avait choisi de s’implanter et ‘d’élire son domicile’. Un deuxième groupe est parti vers le Sud sur les deux rives ‘de la rivière’ Ighzer où il s’était fixé, appelé ‘Ighzer Iwaquren.
Depuis qu’Iwaquren ont été divisés pour s’installer dans deux villages différents, Ighzet et Taddert, une méfiance voire une détestation a régné entre les deux groupes. Je n’ai pas d’informations sur les relations qui existaient entre Ath Yeghzer et Ath Taddert avant leur déportation à Raffour. Par contre, j’ai quelques souvenirs sur celles de Raffour.  

A Raffour, les deux groupes étaient installés, par l’armée française, dans deux territoires séparés par un canal, At Yaghzer à l’Est et Ath Tsadert à l’Ouest. Cette séparation décidée par l’armée française, voulait perpétuer, de fait, la division Iwaquren. La vie sociale et communautaire des populations était régie par un code rédigé par un comité de village – Tajma3ït, de chaque groupe. Il comportait des règles ancestrales communes aux kabyles, et des règles spécifiques distinctes à chaque groupe. Mais, la division d’Iwaquren apparaissait flagrante et caractérisée dans le comportement ‘ségrégationniste’ des enfants et des adolescents qui s’ignoraient, s’évitaient et se repoussaient. Ils ne se mélangeaient pas, ils se parlaient peu ; ils ne partageaient rien.

Ce comportement signifie-t-il que la fraternité entre les deux groupes ne faisait pas partie des discussions des familles autour du ‘Kanoun’ ? Doit-on comprendre que les parents n’avaient pas jugé important et utile d’intégrer le sentiment de fraternité et d’amitié dans l’éducation de leurs enfants, volontairement ? Doit-on déduire qu’eux-mêmes ne l’ont jamais appris de leurs parents ? Ont-ils cultivé sciemment l’ignorance du lien familial entre les deux groupes Iwaquren ? Ont-ils perpétué le sentiment d’animosité ? Autant d’interrogations pour lesquelles il est souhaitable d’y répondre. Elles doivent être débattues et discutées sereinement par les jeunes générations pour comprendre la genèse de cette division.

Un fait montrait, au grand jour, le sentiment d’animosité qui dominait dans les années soixante et soixante-dix, chez les adultes. Lors des matchs de foot organisés les week-ends ou pendant les périodes de vacances scolaires et les périodes estivales, on sentait la rancœur et la jalousie à fleur de peau. Ces matchs étaient très disputés par chaque ‘camp’ dont l’enjeu était de défendre, un honneur, le sien. Se faire battre, était ‘humiliant’. La même division était ‘revendiquée’ dans les matchs contre d’autres équipes des villages voisins, Imcheddallen et Chorfa. La première équipe unifiée qui avait représenté la famille Iwaquren daterait des années quatre-vingt. Cette division atteignait son paroxysme pendant les élections communales. C’était un carnaval d’hypocrisie et de retournement de vestes. Les deux groupes s’organisaient méthodiquement pour s’assurer une défaite ‘incontestable’, comme s’ils ne partageaient pas les mêmes problèmes d’infrastructures, d’écoles, de santé… Avec du recul, on est en droit de dire ; sont-ils des descendants de la même famille ? Sont-ils utérins ? Etaient-ils des demi-frères de deux ou plusieurs mariages du père ? Une source d’anciens évoquait cette thèse de demi-frères, elle n’est pas à exclure.

Les deux lieux de rencontre possible où les ‘cousins’ Iwaquren, comme ils s’appellent, pouvaient se croiser ou se côtoyer étaient la mosquée et le café. La mosquée, qui ne réunissait qu’un faible nombre de pratiquants, à l’époque, n’était pas un lieu de discussion ou d’échanges. Les croyants venaient pour accomplir leur devoir rituel et repartaient sitôt la prière terminée, rejoignant ‘leurs camps’ respectifs. Les rares cafés n’étaient pas des lieux de distraction pour la population pauvre et sans emploi, à l’époque. Les rares parties de jeu de domino ou de cartes – Ronda et Belotte – s’organisaient entre les équipes formées de joueurs du même groupe. Quant à s’attabler pour siroter un café ensemble, il fallait attendre plusieurs années plus tard.

Quand j’étais arrivé en France, en mille neuf cents quatre-vingt, j’avais trouvé une continuité des comportements de division chez les ‘émigrés’. Il y’avait trois bars – restaurants. Celui de Yahia Hemmiche, celui de Chavane Ath Welhadj et celui des associés Oulaid Ath Oulhadj et Ahcen Ouvarkai. On retrouve, en général, Ath Taddert chez Chabane et Ath Yeghzer chez Yahia. J’avais vécu un moment de joie à Paris le vingt-deux septembre mil neuf cents quatre-vingt. Nouvel étudiant en compagnie d’un ami algérois, j’avais fait arrêter un taxi, au boulevard Saint Michel, pour nous rendre à un rendez-vous à la rue Grange Aux Belles dans le 10ème arrondissement de Paris. Quand la voiture s’était arrêtée, j’avais dit à mon ami, ‘tiens un gars de mon village’. Je l’avais reconnu parce que les émigrés Iwaquren Taxi étaient connus à Raffour. Ils se distinguaient avec leurs voitures quand ils venaient en vacances. En montant dans le Taxi, je lui avais indiqué l’adresse où nous allions nous rendre sans rien lui annoncer. Après quelques minutes, je m’adresse à lui à voix basse, ‘Keçç Dawaqur, Ouakila’ ? il n’a pas été surpris par ma question ; et me répondit calmement et de manière détachée, Ahh, Dawaqur. Tasandiyi (tu me connais) ? Je lui répondis oui, tu es Arezki Ath Yahia. Ensuite, il s’était adressé à moi en français par politesse pour mon ami, en m’interrogeant, et vous, vous êtes Awaqur ? J’avais répondu oui. Il m’avait déposé à l’adresse indiquée. J’avais fait le geste pour le payer, il m’avait fait un clin d’œil en me disant, tu paieras une autre fois, parce que tu es Awaqur. Mon ami était agréablement surpris par ce geste de fraternité, en plein Paris. Cette rencontre fortuite avec un Awaqur dans une grande ville comme Paris, avait été une très agréable surprise, dont je me rappelle quarante-trois ans après. On s’était bien connus par la suite dans le restaurant de Ahcen Ouverkaï.

Cette attitude de division regrettable des deux groupes issus d’une même famille, a nui et a constitué un lourd handicap qui a retardé le développement, l’évolution et l’essor Iwaquren. Comment sont-ils arrivés quelque fois à un stade de détestation, alors qu’ils sont des descendants d’une même famille ? Qu’était-il arrivé entre les deux groupes depuis leur séparation à Tizimit ? Fort heureusement, les jeunes générations des années quatre-vingt-dix ont, progressivement, effacé les ferments de la division, qui subsistent malheureusement dans certaines couches de notre société. Pourtant, lorsqu’Iwaquren sont unis, ils constituaient la plus importante communauté de la commune de Maillot. Ils pouvaient conquérir la mairie et la majorité communale à eux seuls.

Comment trouver des faits historiques quand ils étaient unis à Tizimit ou quand ils se sont séparés qui retracent le respect et la vivacité des valeurs Iwaquren avec leur tradition orale ? Comment récupérer les récits des anciens qui disparaissent les uns après les autres sans laisser de ‘testament historique’ ni d’héritiers ? Un proverbe africain dit ‘un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle’.

C’est une œuvre exigeante et délicate certes, mais oh combien utile pour toutes les générations. Iwaquren ont certainement vécu des situations critiques et délicates de froid, de misère, de maladie. Ils ont eu à affronter les 3arouchs voisins pour des litiges ou différends sur le vol de bétail ; le droit de passage sur un terrain, les frontières de terrains. Ils ont sûrement été médiateurs, diplomates qu’ils étaient.

La première hypothèse d’une séparation pour des raisons économiques et sécuritaires évoquée par certains, est discutable quand on étudie les relations difficiles pour ne pas dire plus, entre les deux groupes de cette famille. Des faits marquants décrivent, jusqu’aux dernières années, deux groupes minés par les divisions ; et révèlent une animosité quelque fois acerbe. La vie de ces deux groupes à Raffour dévoile des situations absurdes qui décrivent un comportement des Iwaquren, At Taddart et At Yaghzer, incompréhensible, étrange et mystérieux.

Pour retenir l’essentiel, je résume cette partie de notre vie dans le poème ci-dessous :

Tizimit, renaissance et division

Tizimit, berceau de renaissance,
Où Iwaquren ont lavé l’affront,
Fut quitté, sans laisser de trace,
Sur les raisons de leur division.

Qu’est-il arrivé, après une rude épreuve,
Pour qu’ils se divisent et quittent ce lieu,
Nous devons chercher les preuves,
De cette tragédie, qu’ont vécue nos aïeux.

C’est là-bas, que l’union se brise,
Et commence, une aventure solitaire,
Iwaquren se séparent, qu’on se le dise,
Ils en gardent, un sentiment amer.

Une chose anormale, a certainement eu lieu,
Elle a causé le presque irréparable,
Des frères de sang se sont dits adieu,
Pourtant affaiblis, ils se savaient vulnérables.

Un groupe avait choisi les bords d’une rivière,
L’autre est allé sur un lieu découvert,
Cette séparation reste un mystère
Un jour, nous devons faire la lumière.

Taddert et Ighzer, deux villages enfantés,
D’un peuple de Tizimit, appelé awaqur,
Ce fait vécu, l’avait-il accepté,
Ou subi par un cas de force majeure.

Cette division nous a coûté cher,
En sommes-nous réellement conscients,
Soyons lucides, regardons en arrière,
Iwaquren, ont été les perdants

A quand le réveil de l’union,
Se rappeler que nous sommes frères.
Reconnaissons les erreurs d’antan, 
Pour reconstruire un avenir sincère.

Saïd HAMICHI

Un avis sur « Tizimit, renaissance et division Iwaquren »

  1. CE QUE JE SAIS ET CE DONT JE ME SOUVIENS DES DIRES DE QUELQUES VIEUX, MALHEUREUSEMENT PARTIS, EST QUE CETTE PREMIERE SEPARATION, APRES TIZIMIT EST LE FAIT PUREMENT D’ESPACE VITAL ET DE QUALITE DE LA NATURE. EN DESCENDANT DE TIZIMIT, APRES LA VICTOIRE DU ARCH AWHID, NOS ANCETRES ALLERENT DIRECTEMENT A IGHZAR. IL ETAIT PLUS PROCHE, PLUS BOISE QUE LE FLANC DE LA MONTAGNE D’EN HAUT, RELATIVEMENT PLUS PLAT ET GORGE D’EAU, D’OU LE NOM DE IGHZAR.
    COMME TOUT ETRE HUMAIN QUI SE LIBERE PUIS QUI SE « MODERNISE » UN PEU (LA HAUT C’ETAI DU PRIMITIF), ILS PENSERENT TOUJOURS A MIEUX, POUR EUX, LES HUMAINS ET POUR LEURS COMPGNONS, LES BETES DONT LA POPULATION AUGMENTAIT.
    ILS BOUGEAIENT BEAUCOUP, POUR DIVERS RAISONS : PLUS D’ETENDUE, PLUS DE PLAT, PLUS DE CERTAINES VEGETATIONS, PLUS DE DECOUVERTES ET A LA RECHERCHE D’ENDROITS STRATEGIQUES ETC.
    CE DERNIER POINT ETAIT, POUR EUX, PRIMORDIAL. LA BATAILLE DE TIZIMIT ETAIT ENCORE DANS LES ESPRITS ET, L’EXPERIENCE AIDANT, ILS DEVENAIENT PLUS STRATEGES.
    IGHZAR ETAIT ET EST UNE BELLE CUVETTE ET ON NE POUVAIT RIEN VOIR, AU LOIN, DE LA BAS.
    TOUT FUT DONC INDIQUE POUR OCCUPER LE SOL DE « TADDART ».
    ET C’ETAIT AINSI QU’UNE PARTIE DE NOS ANCETRES ALLERENT A TADDART.
    VOICI DONC CE DONT J’AI EU A CONNAITRE, SUR CE SUJET.
    JE VIENS MAINTENANT A CETTE SEPARATION QUI S’ACCENTUENT ET QUI, PARFOIS, SEMBLE INQUIETER.
    DEPUIS 2013, DATE A MA VENUE A LA TETE DE L’ASSOCIATION TADUKLI, JE M’ETAIS ASSIGNE DE TOUT FAIRE POUR ALIMENTER CETTE UNION QUI EST « SUPERFICIELLE » POUR LA RENDRE REELLE ET HARMONIEUSE.
    PREMIEREMENT ET LORS DE L’HOMMAGE QUE J’AVAIS INITIE ET QUE NOUS AVIONS RENDU A FEU RABIA TIGRINE, NOUS AVIONS, AUTANT DU COTE OUEST, EGALEMENT PLACARDE LES AFFICHES CORRESPONDANTES, DU COTE EST, POUR INVITER NOS FRERES D’IGHZAR.
    DEUXIEMEMENT, J’AVAIS AUSSI INITIE ET NOUS AVIONS ORGANISE UNE CONFERENCE, DONNEE PAR 2 GRANDS MEDECINS VETERINAIRES, AU PROFIT DES ELEVEURS ET DES BERGERS DE TADDART LORS DE CETTE FAMEUSE GRIPPE AVIAIRE DE 2014. NOUS AVIONS, ENCORE UNE FOIS, INVITE NOS FRERES ELEVEURS ET BERGERS D’IGHZAR.
    TROISIEMEMENT, J’AVAIS, A PLUSIEURS FOIS, PROPOSE A NOTRE TAJMAIT DE CELEBRER ENSEMBLE, UNE FOIS TOUS LES 3 OU 5 ANS, TAACHURT, ENSEMBLE.
    POINT DE REPONSE POSITIVE NI … NEGATIVE. C’ETAIT LE SILENCE.
    EN CE QUI ME CONCERNE, JE PENSE AVOIR ENTREPRIS CES PETITES ACTIONS DANS LE SEUL BUT DE NOUS UNIR ET DE NOUS SAVOIR FRERES ET DESCENDANTS D’UN SEUL COUPLE OU, DU MOINS, D’UN SEUL HOMME.
    JE POSSEDE MEME LA CARTE D’ADHERANT DE L’ASSOCIATION « TIZIMIT ».
    J’AI TOUJOURS EN MOI, CETTE APPREHENSION D’UNE MALHEUREUSE MESENTENTE OU D’INCOMPREHENSION QUI RISQUERAIENT DE SE CORSER.
    JE N’OSERAI PAS PARLER DE PASSAGE DE RAFFOUR AU STATUT DE COMMUNE. J’IMAGINE CE MOMENT.
    NOUS AVONS LAISSE LE TEMPS AU TEMPS ET CE TEMPS NE JOUERA QUE PEU, AU PROFIT D’UNE REELLE ET TOTALE FRATERNITE.
    J’OSE QUAND MEME L’ESPERER POSSIBLE CAR LES GENES ET LES FRIBRES KABYLES DE TIZIMIT POURRONT, PEUT-ETRE, NOUS GUIDER VERS CETTE BELLE RALITE D’IL Y A 6 OU 7 SIECLES OU NOUS AVIONS VECUS, SOUS UN MEME TOIT, ACCROCHES AU FLAN DE CETTE BELLE MONTAGNE ET OU NOUS AVIONS COMBATTU, ENSEMBLE, NOTRE ENNEMI DU MOMENT.
    VIVE IWAQUREN, LE VAILLANT ET GLORIEUX ARCH.

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