Commémorer, témoigner, se recueillir sur les lieux du crime colonial, s’émouvoir, panser les blessures, se projeter vers le futur sans oublier le passé ; tels sont les objectifs de la semaine de commémoration Iwaquren(1), de novembre 2022. Ces objectifs ont été mis à la lumière du jour et atteints grâce à la mobilisation des hommes et des femmes, de grande valeur humaine, morale et professionnelle. Ils étaient de tous âges, animés par une volonté de faire vivre, au 3arch Iwaquren et à la région Sud du Djurdjura, un moment de fraternité et d’émotion d’une intensité extrême.


Quelle merveilleuse idée de tenir éveiller une population de 5000 âmes pendant 5 jours et 5 nuits durant ! Réunir Iwaquren ; femmes, hommes et enfants, de Raffour et d’ailleurs avec de nombreux invités, à la place du 4 novembre à Raffour(2) et à Taddert Nlejdid (3), était une œuvre culturelle, sociologique et historique d’une grande portée. La volonté, la disponibilité et le courage d’une équipe de bénévoles de l’association Tadukli(4) et de Tajma3it(5) ont ranimé la flamme de notre 3arch ; elle ne s’éteindra plus. Nous avons dépoussiéré notre histoire récente en commémorant le 4 novembre 1957, un événement tragique et une date sombre de notre existence. Nous avons éclairé l’avenir pour les générations futures en expliquant l’exemplarité de leurs aînés martyrs pour que vive l’Algérie libre. Nous avons fait découvrir notre savoir, savoir-être et savoir-faire à nos enfants et à nos amis voisins, en toute humilité.
Quoi de plus noble que de rendre hommage à ceux et celles qui nous ont libéré du joug d’une puissance étrangère inhumaine. Quoi de plus émouvant que de revenir, reconstituer les faits historiques et observer une minute de silence sur les lieux où sont tombés nos héros en martyrs. Quoi de plus poignant que d’écouter des témoignages vivants sur la tragédie qu’avaient vécu Iwaquren ce jour mémorable de déportation du 4 novembre 1957. Quoi, enfin, de plus motivant et engageant que de projeter la reconstruction de Taddert Nljedid, notre village ancestral détruit dans des conditions génocidaires. Des personnes désintéressées s’y sont attelées courageusement pour nous faire vivre ces moments mémorables. Leur investissement et leur dévouement feront date.
Un programme de festivités de 5 jours : un séminaire sur Iwaquren au passé, au présent et au futur.
La semaine des festivités a été conçue autour de quatre thèmes majeurs : hommage aux martyrs ; marche pour l’histoire ; témoignage de survivants et culture ; commémoration.
Un groupe d’engagé(e)s volontaires d’une vingtaine de personnes ont élaboré un programme de festivités sur 5 jours pour revisiter notre histoire récente, partager le moment présent et se projeter ensemble vers le futur. Au-delà de la commémoration et du vibrant hommage rendu à nos héros de la guerre de libération, cette semaine de festivités a aussi révélé des jeunes talents encadrés par des personnes expérimentées, œuvrer ensemble dans une grande fraternité. Iwaquren, jeunes et moins jeunes ; femmes et hommes ; instruits et manuels ; ont brillé par leur ingéniosité, leur sens de responsabilité et leur esprit de solidarité légendaire. Ils avaient un seul but, agir pour l’intérêt général et pour le bien de notre 3arch. Ils ont montré la force d’une organisation sociale et culturelle à méditer et à jalouser positivement.
Le 1er novembre, retour à Taddert N’Ljedid: la marche pour l’Histoire et pour la Mémoire.
Trois à quatre cents personnes ont pris le chemin du retour à la source, de Raffour à Taddert N’Ljedid à pied et par Assif(6) Iwaquren. L’organisation de ce retour à Taddert N’Ljedid, le 1er novembre 2022, fût le premier moment de solennité plein d’émotions et de mémoire. Il était le signe d’une ère nouvelle d’ouverture et de conjugaison de l’histoire avec la culture, la tradition et le social ; pour notre 3arch. Ce retour était un hymne à notre attachement indéfectible au patrimoine historique et culturel Iwaquren. Partis, à 9h30, après le dépôt d’une gerbe de fleurs au cimetière des martyrs de Raffour, nous sommes arrivés aux alentours de 15 h00 au cimetière des martyrs de Taddert N’Ljedid pour leur témoigner notre éternelle reconnaissance.
Des hommes et des femmes avec des enfants et des bébés, de 2 à 78 ans ; docteur(e)s; professeur(e)s ; commerçant(e)s ; retraité(e)s ; ouvrier(e)s ; paysan(ne)s ; malades ; ont cheminé pendant près de six heures et parcouru une quinzaine de kilomètres dans une ambiance familiale de respect et de recueillement. Huit haltes avec une minute de silence, à chaque halte, ont été organisées aux endroits où sont tombés nos femmes et nos hommes patriotes libérateurs. Un bref récit historique fut lu sur le lieu et sur les martyrs qui y ont trouvé la mort sous les balles de l’armée française. Des points d’étape où des bus attendaient les participants âgés et fragiles pour les ramener à Raffour ou à Taddert Nlejedid. Une pause déjeuner était programmée à mi-chemin dans le lit sec de la rivière Iwaquren – Assif Iwaquren.
Nous avons partagé, en famille ou entre amis, des sandwichs en plein air, sous la vigilance du service de sécurité composé de bénévoles. La marche a été cadencée au rythme du plus faible pour ne laisser personne sur le bord de la route. L’objectif était de faire arriver toutes les personnes à Taddert N’Ljedid, dans les meilleures conditions. Ce qui fut fait. Malgré la fatigue, les visages étaient rayonnants et souriants de bonheur d’avoir accompli ‘ce pèlerinage’. Il n’y eut ni aléa ni incident. A Taddert Nljedid, nous avons été accueillis avec des beignets chauds, du café et du thé, préparés sur place par la famille Aoudia. Le retour s’était fait dans des voitures de bénévoles et des bus réservés à cet effet.
Le 2 novembre : la veillée d’Histoire et de Culture.
Quand la destruction et la déportation sont narrées au milieu de la population qui a vécu cette tragédie, le silence et le recueillement s’étaient imposés. L’histoire avait pris une autre dimension ; le mal était devenu vif et avait ronge les cœurs ; l’ennemi était apparu sous son vrai visage cruel et inhumain. Quand ce sont les enfants et les petits enfants de ceux qui ont donné leur vie pour que vive l’Algérie libre qui organisaient la commémoration, l’avenir de ce pays apparaît prometteur d’espérance. Cette soirée était riche en culture et en histoire sur la guerre de libération. Elle était entrecoupée de vidéos, témoignages de survivants de la déportation, qui nouaient l’estomac et serraient les cœurs. Huit groupes ont participé à ce jeu-concours instructif et éducatif pour un grand nombre de présents, jusque tard dans la nuit. Pour égayer la veillée, une chorale animée majestueusement par deux éducateurs, avait agrémenté l’ambiance avec des chants révolutionnaires et des chansons kabyles. Le jeu-concours, les témoignages et la chorale avaient créé une ambiance de douceur et de recueillement qui avait réchauffé les cœurs et illuminé les visages. Nous étions, à ce moment-là, la famille Iwaquren unie; (Tamlal Tassa D wayturu)(7).
Le 4 novembre : l’Evénement Majeur le jour J.
C’était le jour J. Il a fait l’objet de plusieurs publications dans les journaux nationaux et régionaux. Il a également été décrit longuement par Said Majdoub dans son post publié sur Facebook le 5 novembre. Ce vendredi 4 novembre 2022 était gai, joyeux et ouvert au monde, au-delà Iwaquren. Une journée automnale aux couleurs et températures printanières avait offert un décor idoine. Dans une foule mixte et nombreuse on ne pouvait distinguer le visiteur de l’hôte. Les gens déambulaient entre Nazla(8), Tala(8) et le cimetière de martyrs via Tinakicht(8) et Ahanou(8) en toute tranquillité, sécurité et sérénité. C’était l’opportunité de croiser des proches sans barrières ni protocole. Des femmes, habillées en majorité en robes et foulards kabyles traditionnels brodés, de couleurs contrastées douces et vives, avaient redonné vie à ce village martyrisé. Le repas de wa3da composé de semoule de couscous, de morceaux d’œufs et de viande, le tout arrosé d’une sauce de légumes frais était servi par une équipe de cuisiniers professionnels et de bénévoles dans un cadre féerique de verdure et de calme. De cet endroit on peut contempler la vallée de la Soummam et les Bibans, tout en dégustant ce plat savoureux de la tradition kabyle millénaire.
Deux faits marquants sont à souligner. Le premier, c’est le déplacement des représentants de l’état à Taddert N’Ljedid sans cortège ni forces de sécurité. Elles ont été accueillies dans la chaleur traditionnelle et sous la protection Iwaquren (La3naya D L’horma)(9). Ce fait montre le caractère d’un 3arch civilisé, organisé, et responsable ; tradition ancestrale. Le deuxième, c’est le succès du rassemblement de 4000 à 5000 personnes dans de parfaites conditions de sécurité physique, alimentaire, sanitaire et environnementale. Ceci, sans aucune intervention ni aide externe en dehors d’une équipe de la sécurité civile qui n’a pas eu à intervenir.
Des défis relevés, une image restaurée et une fierté légitimée.
Un tel événement régional a nécessité une préparation rigoureuse et une planification minutieuse. Les enjeux étaient de taille. Il fallait :
– Accueillir les invités,
– Repérer et localiser les lieux ‘de l’assassinat’ des martyrs,
– Assurer la sécurité des citoyens et des autorités communales et wilayates,
– Organiser la logistique des produits, des matériels et des personnes de Raffour à Taddert N’Lejdid, à l’aller et au retour,
– Cuisiner et distribuer le repas de lwa3da pour près de 5000 personnes,
– Écrire les textes d’hommage,
– Réguler les flux des voitures,
– Réserver les stands d’exposition artistique et culturelle,
– Nettoyer les locaux d’accueil des festivités à Raffour et à Taddert N’Lejdid,
– Installer l’éclairage, les sanitaires, les points de collecte des déchets à Taddert N’Ljedid,
– Clôturer les festivités et récupérer de tous les matériels à ramener de Taddert à Raffour,
– Communiquer en externe et en interne.
Organiser, gérer et animer un tel événement par des bénévoles et le réussir n’est pas dû à un hasard ou une divine bénédiction. Il a nécessité des personnes formées et compétentes, pluridisciplinaires, expérimentées, courageuses, qui savent gérer les risques, les aléas, les conflits ; écoutent, calment les récalcitrants et les perturbateurs inévitables dans une société. Il fallait du talent de négociateur, de psychologue. Il fallait des personnes de sang froid et amoureuses de leur communauté. Le succès de cette manifestation avait enchanté Iwaquren, les invités, les villages voisins et les entreprises prestataires qui ont finalement offert leurs services et leurs matériels gracieusement. Ces entreprises ont été agréablement surprises par la remise des matériels loués dans les délais et dans un très bon état.
Si cet événement s’est déroulé avec succès, nous le devons aux hommes et aux femmes qui se sont investis pendant des semaines. Ces personnes s’appellent Karima, Mourad, Brahim, Fazia, Rachid, El Hadj Slimane, Yassine, Aziz, Ali, Hamza, Ounissa, Mohand, Mohamed, Ydir, Nora, Slimane, Ouardia, Taous, Djamel, Messaoud, Walid, Mahfoud, Djamel, Hamza et plusieurs autres. Nous leur devons reconnaissance, respect et gratitude.
La semaine Iwaquren de novembre 2022, c’est une histoire vivante, un 3rch civilisé et solidaire, une organisation sociale exemplaire. Iwaquren ont conjugué le passé, au présent et au futur. Ils ont employé le savoir du présent pour commémorer le passé ; et intégré le passé pour éclairer le futur.
Saïd HAMICHI
(1) : nom d’une communauté/tribu kabyle.
(2): nom du village où étaient déportés Iwaquren. Avant, le nom était ‘Les Toiles’.
(3): nom du village de Iwaquren.
(4): nom de l’association qui active dans la rénovation de Taddert N’Ljedid.
(5): comité du village composé de sages élus.
(6): rivière, oued.
(7): expression intraduisible dans d’autres langues. Veut dire ‘regroupement de la famille’
(8): nom des places de Taddert N’Ljedid.
(9): expression qui veut dire ‘sous la protection de..‘




Merci Saïd, à lire ton récit je m’appercois que la portée de cette commémoration nous dépasse tous
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Largement. A bientôt.
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Merci pour ce que vous faites toi et les autres engagés.
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ENCORE UNE FOIS, MERCI SAID POUR CE BEAU COMPTE RENDU D’UN EVENEMENT QUI RAPPELLE UN MOMENT DUR, TRISTE ET INOUBLIABLE ET QUI MET UNE LUMIERE SUR UN PETIT GRAND ARCH QUI A GRAVI SON NOM SUR LE FRONTON DE L’HISTOIRE DU PAYS. IL EST REGRETTABLE QUE 6O ANNEES SOIENT PASSEES SANS QUE NOUS AYONS RECU LA MOINDRE RECONNAISSANCE MORALE NI LA MOINDRE ASSISTANCE MATERIELLE, A NIVEAU DE CE QUE NOS ANCETRES ET NOS MARTYRS AVAIENT DONNE. NOUS, EGALEMENT, N’AVIONS PAS SUFFISAMMENT OSE POUR NOUS FAIRE ENTENDRE ET POUR DECROCHER UN PLEIN DE PROJETS PUBLICS, AU BENEFICE DE NOTRE TADDART ET DE NOS CONCITOYENS. A TITRE D’EXEMPLE, NOUS AVIONS DETERRE, A MON PASSAGE A L’ASSOCIATION, UN DOSSIER D’UN MEGA PROJET, TOTALEMENT FICELE ET BUDGETISE, DANS PLUSIEURS DOMAINES, AU PROFIT DE TADDART, D’UNE VALEUR DE PLUS DE 50 MILLIARDS DE CENTIMES. IL ROUILLAIT DANS LES TIRROIRS DE LA DIRECTION DES FORETS DE BOUIRA, AUX ENVIRONS DE 2010/2012. LORSQUE NOUS L’AVIONS EXTRAIT, EN 2014 ET TENTE DE LE RAVIVER, IL ETAIT DEJA TROP TARD ET LES FINANCES RESERVEES ETAIENT OU RETOURNEES OU DEVIEES. A TITRE D’EXEMPLE, IL Y AVAIT MEME UNE HUILERIE QUI NOUS A ETE INSCRITE.
COMME ON DIT, IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR BIEN FAIRE. JE SUIS TRES CONTENT DE CET ENGOUEMENT ET DE CETTE FRAICHEUR DE NOS REPRESENTANTS, A TJAMAIT ET A TADUKLI. JE VIENS DE LEUR DIRE DE NE PAS BAISSER LES BRAS ET DE BIEN ELABORER UNE PARFAITE POLITIQUE DE GOUVERNANCE ET DE CONCEPTION ET D’EXECUTION DE PROJETS. AINSI, NOUS AVONS UNE OPPORTUNITE CERTAINE DE DONNER UNE NOUVEAU ET BEAU VISAGE A TADDART ET A NOTRE « NOM ». TOI, MOI ET D’AUTRES, SOMMES A LEUR DISPOSITION, POUR TOUT, SELON NOS DISPONIBILITES.
MERCI, SAID POUR CE QUE TU FAIS ET JE TE SOUHAITE UNEXCELLENTE SANTE ET DU BONHEUR AVEC LES TIENS.
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Merci Said.
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GRAVE AU LIEU DE GRAVI. DESOLE. MERCI
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