Cherche l’Algérie désespérément.

L’Algérie, mon cher pays, est devenue l’Algérie très chère et inaccessible pour ses enfants exilés . Mon Algérie, s’éloigne de tout, de nous. Quand je la regarde, je me désole ; et quand je la compare je m’affole. Exilé, j’y tiens à mon algériannité ; arrivé sur son sol, je me tâte et m’interroge ; qui suis-je, où suis-je. Une peur m’envahit. De quoi ? De tout et de rien. 

Dès l’approche des guichets d’enregistrement des bagages au départ, on est prévenu par ‘la chaîne en algérien’- la file d’attente. Le pays manque de tout ; de produits et d’hommes. Les avions sont pleins et chaque passager ou famille emporte, à minima quatre ou cinq valises et sacs Tati. Et, certains culottés viennent demander à ceux qui n’ont qu’un bagage de cabine, ‘tu peux prendre avec toi un bagage ? L’état des valises indique que les ‘personnels officiels’ des aéroports sont ‘des voleurs’. Les valises sont, non seulement fermées à clés, mais elles sont, en plus, entourées d’un film collant. La confiance entre les algériens règne ! Il paraît que là-bas, dans tous les aéroports algériens, on ouvre les bagages pour chaparder leur contenu. Des musulmans ont peur que leurs concitoyens et coreligionnaires, de surcroit, leur volent ‘leurs choses’. Qui peut dire c’est vrai ou c’est faux ? Qu’y a-t-il dans ces bagages ? Allahou aâlem ! Dieu seul le sait.

Ensuite, vint l’accès dans l’avion en se bousculant. Dans l’avion, un écran affiche les informations sur le vol, altitude, distance, température. Et voilà, une nouveauté, on nous montre la direction de la Mecque. Je me suis interrogé, allons-nous en Arabie Saoudite ?  A la Oumra ? Avant le décollage, quelques-uns, d’un certain âge, commencent à réciter le coran à haute voix, avec une peur chantonnant dans leur voix ; tandis que d’autres, plus jeunes, le lisent en silence sur leurs portables.

Dès l’atterrissage, pendant que l’avion se dirige vers sa place de parking, des pressés ignorant le danger, se lèvent pour prendre leurs bagages à main des compartiments de l’avion afin de sortir les premiers. On oublie le coran et Allah ; l’avion a atterri sans problèmes, grâce à leurs sourates et leur dou3a. Les chrétiens, les juifs et les athées occidentaux qui ont conçu et fabriqué l’avion n’y sont pour rien, qu’ils aillent au diable. Comme disait un ‘savant’ saoudien, Allah nous a épargné la fatigue du savoir, il nous a donné le pétrole pour faire travailler les autres. Il oublie d’ajouter qu’Allah a fait des pays arabes musulmans les pays riches en ressources, gérés par des riches ignorants où les populations sont les plus pauvres…. Puisque c’est Allah qui a voulu ainsi, alors que ceux-là s’adressent à lui.

A l’aéroport, c’est l’anarchie pour sortir du parking. Je ne reconnais pas mon pays. Je suis mal à l’aise. Je sais que ce malaise ne durera pas longtemps. Avant de me rendre à Létoile, je suis passé par Alger, Dellys et Azazga pour rendre visite à mes proches et revoir mon L.T.E Dellys, 47 ans après l’avoir quitté. A Alger, je suis surpris par des constructions privées luxueuses, du moins extérieurement, partout où il y a un espace à prendre. La paradoxe algérien est criant. Ils est annonciateur d’un système exclusif. Ce système fait comprendre qu’il n’y aura pas de place aux honnêtes gens instruits, ouvriers, fonctionnaires. C’est le système de l’argent qui ne vaut rien, de l’homme qui ne n’est rien et de la vie qui n’appartient qu’à celui qui vole ou qui s’envole.

Mon mal-être s’est dissipé à Azazga. Je me rapprochais de mon ‘pré-carré’, mon chez moi ; là où je me sentirai bien. Malheureusement, dès mon arrivée à Létoile, j’étais envahi par la tristesse et la douleur. Avoir perdu six des miens proches et très proches, secoue et repose la question du sens de la vie. Après quatre ans d’absence, les traces de deux virus sont visibles à l’œil nu. La COVID a pris des vies sans trier. Elle a redessiné la physionomie du cimetière et celle de Tajma3it. Elle a déplacé des dizaines de personnes de Tajm3it vers une autre tajma3it, silencieuse et éternelle celle-là. C’est dans le cimetière que je retrouve les nouveaux espaces affectés aux victimes de ce virus. Le deuxième virus est choisi volontairement par notre jeunesse. C’est celui de la ‘désertion’ du pays. Ses traces sont aussi profondes et les effets aussi irréversibles que la COVID. Nos jeunes sont partis par nécessité et avec une haine de ne pas pouvoir vivre sur leur terre.

Les conséquences de ces deux virus se lisent sur les bancs en béton qui entourent les boutiques de la place du village qui entourent Tajma3it. Dans l’après-midi, il n’y a que les personnes retraitées, une dizaine qui se retrouvent pour ‘tuer le temps’. Dans les cafés, même constat ; très peu de jeunes, certains sont presque vides. Ils sont partis, par dizaines, en risquant leur vie. Qui peut les blâmer ; en tout cas pas moi. Ensuite, je me rends dans mon village natal, dans ma montagne iwaquren, et dans ‘cette maison’ détruite où on m’a coupé le cordon ombilical. Il ne reste que des vestiges de mes ancêtres que je sens à travers les pierres et la terre. Cette montagne Iwaquren est un alpage paradisiaque du versant sud du Djurdjura ; délimité par Saharidj au nord-ouest jusqu’à celle avec Selloum au nord-est. Une contrée qui tourne le dos à la modernité destructrice et factice. Un jardin qui efface, en quelques minutes, les images de cette Algérie que je ne reconnaissais plus.

Là, je prends le temps, je le file avant de le laisse filer. Lui ne me retient pas, alors pourquoi vais-je le retenir. Nous vivons en union libre, on se voit quand on veut, tous les deux. Je le caresse et l’emploie à bon escient. Je vis en osmose avec lui. Je ne laisse échapper aucune minute sans la sentir et la toucher. Je sens les minutes comme la pluie de billes de soie qui tombe sur mon corps nu. Là je suis à iwaquren. Dans cette montagne où il y a très peu de monde, la nature respire en silence. Je ne suis personne, je ne suis rien, je suis tout. Les rares petites gens que je rencontre sont comme moi. Elles marchent doucement pour ne pas faire mal à la terre, elles sont silencieuses pour laisser la nature s’exprimer et l’écouter. C’est là que j’ai rembobiné le film des jours précédents.

Je me rends compte que je ne reconnais plus l’Algérie, je me sens perdu dans les rues bondées de personnes que j’ai du mal à identifier à des algériens, peuple dont je fais partie. Ils ont changé de vêtements et de démarche, de coutumes et d’attitude, d’identité et de culture, de religion et de pratiques, de vocabulaire et de ton, d’horaires et de weekend, de mémoire et de souvenirs. La propreté à l’extérieur est devenue produit rare, délivré sur ordonnance par des spécialistes introuvables. Avons-nous fait notre devoir de transmettre l’héritage de nos parents. Cet héritage légués par eux qui parlaient très peu mais qu’il faudrait regarder faire, agir et se comporter. Tout était dans la gestuelle, le regard et les actes. Cet héritage avait une force de pénétration, de persuasion et de conviction sans support médiatique, sans livres, sans théâtre et sans cinéma. Nous l’avons tété dans le sein de nos mères et reçu, et appris de nos pères, sans parler.

Je suis arrivé à la conclusion que je n’ai rien de commun avec l’Algérie d’aujourd’hui. Comment expliquer que j’y soit attaché à cette terre qui ne m’a rien donné. Pire, qui ne me laisse pas lui donner ce que j’ai appris ailleurs, ce que je sais et que je délivre à ceux qui ont moins besoin que les miens. Mais au fait qui sont les miens ? Mes enfants, je le sais. J’ai fait mon devoir ; je le pense du moins. A eux d’en juger. Mes parents, l’un était parti jeune et moi adolescent ; je lui dois respect. L’autre, était indépendante ; elle avait vécu plus longtemps que son mari. Je l’avais respectée. J’ai fait mon devoir. Était-ce assez ? Ils sont partis, dieu seul le sait. De toutes les façons, je n’ai pas envie de le savoir. Si c’est oui, tant mieux ; si c’est non ; c’est trop tard ; vivre avec des remords ne sert à rien. A mon village, j’essaie de lui être utile avec des écrits qui mettent en lumière des petites personnes, matériellement, mais grandes par leur esprit sain et leur humanisme. Des gens qui ont ‘le défaut’ de ne pas être visibles et pourtant toujours présentes quand il faut et là où il le faut. D’inciter iwaquren à s’aimer soit même et à valoriser ses richesses humaines. De regarder l’espace lumineux qu’il y a dans chacun d’entre nous et de ne pas fixer les petites zones sombres inhérentes à chaque être.

Alors aux algériens, qui ne sont finalement pas les miens comme j’avais tendance à le croire; là je suis sûr, je ne leur ai rien apporté, car ils n’ont besoin de rien. Je ne connais pas ces algériens dont je pensais faire partie, ils ont changé. Peut-être est-ce moi, Saïd, qui ai changé, sans me rendre compte ? C’est peu probable, mon algériannité n’a rien à voir avec celle qui remplit sa voiture de ‘déchets’ qu’elle déverse sur son pays. Elle n’est pas celle qui siffle les hymnes nationaux des pays des jeux internationaux organisés par son pays. Elle n’est pas celle qui bat et tue la femme, en récitant des sourates de coran. Elle n’est pas celle qui se dit, je ne suis pas africaine, pas méditerranéenne. Elle n’est pas celle qui arrive en retard à tous les rendez-vous sauf à la mosquée et à l’heure de rupture du jeûne. Elle n’est pas celle qui ne croit pas à ‘l’existence de virus et au traitement médical. Elle n’est pas celle qui détruit, vole et salit tout ce qui ne lui appartient pas. Elle n’est pas celle qui crée les problèmes et qui demande à Allah de les régler.

Ces algériens ont tout ce qu’ils ne veulent pas et ils se satisfont de ce qu’ils souhaiteraient avoir, un jour ; inc…ah.

Saïd HAMICHI

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