Les publications qui suivront sur l’histoire iwaquren sont destinées à leur enrichissement. Elles sont à partager à partir du site FamiAli pour garder la traçabilité des ajouts et des précisions. Je demande aux associations de ne pas copier ces écrits pour les diffuser sur leurs sites Facebook. Je demande également aux personnes qui souhaitent intervenir de le faire sur ce site ou sur mon partage Facebook.


Peuple conservateur et hermétique à toute présence ‘étrangère’ dans leurs villages des montagnes à Iwaquren’, fût-elle kabyle. Leur univers est hérité de leurs ancêtres, Imazighen. Ils avaient bâti leur existence comme un mausolée. La pudeur, le travail et la solidarité étaient ses fondations. L’honnêteté, la dignité et l’honneur, étaient ses murs. Le respect de la parole donnée et l’éducation, étaient sa toiture. Le tout était cimenté avec le langage de vérité.
Leurs ancêtres avaient construit une organisation démocratique et sociale basée sur des valeurs universelles. Avec leur humanisme, la religion était tenue à l’écart. Ils l’avaient acceptée en veillant à ce qu’elle n’interfère et qu’elle ne piétine jamais les valeurs de la ‘Kabylité’ qu’ils considèrent pures. Ils l’ont cantonnée dans sa mission spirituelle sans l’impliquer dans la vie communautaire. Ce modèle social awaqur porte un nom, en kabyle on l’appelle Tadukli – l’union et tagmat – la fraternité.
Iwaquren, certains disent une famille venue de l’autre versant du Djurdjura et d’autres évoquent plusieurs venues des régions avoisinantes1. Ils se sont établis dans le versant sud du Djurdjura, au 14ème siècle2. Ils ont changé de localisation à cinq reprises. Le premier emplacement connu est tagemunt ath yeddar3. D’où Venaient-ils ? Il eut ensuite trois autres endroits, tagemunt n timizar3, Tizimit, Ighzer4 et Taddert N’Lejdid5 avant de se fixer à Raffour6.
Les deux premiers déplacements, qui les ont menés à Tizimit, étaient dus à l’hostilité d’un arch qui ne voulait pas d’eux comme voisins. Le troisième déplacement, a été un choix volontaire basé sur un critère économique, selon certains témoignages. La population Iwaquren, peu nombreuse, s’était divisée en deux ; une partie était descendue un peu plus bas de Tizimit pour s’établir à Ighzer. Une deuxième était partie vers l’est, pour se fixer à Taddert N’lejedid,. Cette thèse me semble très simpliste au regard de la suite des événements. Le dernier exode a été le fait de l’armée française qui a incendié et détruit les deux villages et déporté une partie de la population dans un camp de concentration, appelé Les Toiles6. Cet endroit était un marécage où les conditions de vie étaient très difficiles. Il a été choisi par l’armée française pour punir ce peuple awaqur qui avait refusé de se soumettre. Ils été le dernier, avec Ath Mlikech, à déposer les armes en 18577.
Pour la suite de l’histoire, nous prendrons l’hypothèse d’une seule famille. Cette famille fût appelée Iwaquren. Deux versions expliquent, aujourd’hui, l’origine du nom awaqur. La première, la plus répandue et la plus connue, est celle qui se réfère à un oiseau appelé Waqur8. C’est un oiseau solitaire et mélodieux qui ressemble à un rossignol, vivant dans les hautes montagnes, au pied du flanc sud du Djurdjura. Cette comparaison à un oiseau mérite d’être étudiée et discutée. Terrache Seddick3 évoque une autre version. Certains iwaquren contestent cette explication. Il disent ‘que la dénomination d’iwaquren viendrait du fait que nos ancêtres avaient la force ‘du verbe’. Ils disaient les choses par leurs noms sans ambiguïté et circonlocution. Awaqur est ‘d’Argaz A3kli’ adh Wa Wal9 , un homme de la sagesse et de la parole donnée. Ceux qui contestent le nom d’oiseau ajoutent, Iwaquren ‘Hedren awal aquran’.
Ce nom Iwaquren viendrait donc de leur élocution oratoire directe, ils cultivaient cette franchise de dire Tiquranine – les mots qui font mal.Ils voient dans la première version, l’oiseau waqur, une manière utilisée par les tribus ‘ennemies’ vaincues pour écorner l’image iwaquren et leur ôter leur tempérament courageux « alhiba ». L’oiseau awaqur est beau, mais il fuit au moindre mouvement. Peut-être, que lorsque Iwaquren se sont libérés et acquis une notoriété dans la région ; leurs ennemis et adversaires qui n’ont pas réussi à les affaiblir par la force, ont cherché à entacher leur image en leur accolant un nom d’oiseau. Pour moi, les deux versions sont plausibles. Ils sont comparés à l’oiseau qui bouge et qui migre parce qu’ils ont changé de lieu à plusieurs reprises. S’ils sont des hommes sages et de la parole donnée, il faut chercher des faits qui le prouvent.
Cette famille iwaquren était solitaire, sans alliés, elle l’est toujours au demeurant. Ce qualificatif est repris par les sages de Tajma3th10 depuis toujours. Ils se targuent et ne cessent de le rappeler lors de leurs réunions. Elle était unique et particulière à plus d’un titre au sein de l’organisation kabyle structurée en arouch. Un arch est une confédération qui regroupe plusieurs « villages-républiques laïques » liés par des frontières communes et des intérêts politiques communs11. Ces tribus se regroupent en alliance, comparable à l’OTAN12, pour particulièrement les protéger des agressions externes inter-3aruch fréquentes à l’époque. Ath Yala est composé de trente-trois villages (tribus) ; ath Yenni de sept villages (tribus) ; Imcheddallen de douze villages (tribus) etc.
Iwaquren ne sont pas un arch, nos anciens insistent et tiennent à cette spécificité éternelle. Ceci est aussi discutable. Lors de réunions de Tajma3t, les sages disaient, nous sommes el 3arch awhid ; un arch solitaire composé d’une tribu. Ils avaient choisi de ne faire partie d’aucune confédération, ou alliance de plusieurs villages. Ils avaient préféré la neutralité à ‘la Suisse13’. Ils étaient pourtant sollicités1 par plusieurs tribus pour se joindre à elles ; mais ils ont décliné l’invitation. Quels sont les arouch qui les ont sollicités ? Pour quelles raisons avaient-ils refusé ? On ne peut émettre que des hypothèses. Par vocation de médiateurs qu’ils étaient et qu’ils voulaient le rester ? Par méfiance d’être trahis ; l’avaient-ils été auparavant ? Par désaccord interne sur le choix de communauté à intégrer ; étaient-ils divisés ? Par la combinaison des trois hypothèses ? Ce n’est pas impossible. Ces hypothèses ont été vérifiées dans certaines circonstances chez Iwaquren d’aujourd’hui.
Cette stratégie de neutralité et ce choix d’être solitaire avaient eu des conséquences, dont certaines dramatiques, sur leur existence. Ils les ont desservis et les ont exposés à la vindicte des arouch voisins. Dans un environnement de conflits fréquents d’alors, l’ordre social était dicté par le plus fort. Et l’un des facteurs de force était le poids de la population des villages et des arouch. Iwaquren étaient, de fait, fragilisés par leur choix. Leur existence a été menacée. La fragilité d’Iwaquren a été vécue dans un épisode dramatique à tel point qu’ils avaient failli être annihiler. ils ont été dominés et agressés sur une période, qu’on ne peut malheureusement pas dater, par absence d’écrits14.
Les informations manquantes :
– D’où venaient-ils avant ?
– S’agissait-il d’une seule et unique famille ou de plusieurs ? si la réponse est plusieurs, comment elles se sont retrouvées et réunies ? elles venaient d’où ?
– Pourquoi ne faisaient-ils pas partie d’un arch avec d’autres tribus qui ont des frontières communes : Ath Selloum, At Karvouzth, Ath Oua3vane ?
– Pourquoi Taddert Nljedid et Ighzer : ighzer existait-il avant Tizimit où était-il une localité qui appartenait à iwaquren quand ils étaiet à Tizimit ? Taddaert N’Ljedid était une nouvelle terre choisie par l’autre partie ? Pourquoi n’étaient-ils pas restés à Tizimit et Ighzer et étendre leur terre jusqu’à Selloum et Takerbust ? La raison économique de la séparation Iwaquren ne semble pas solide. Elle mérite d’être débattue et mieux argumentée.
– Pourquoi les surnomme t-on hommes sages et hommes de la parole donnée : avaient-il réglé des conflits avec leur sagesse et leur sens de l’élocution ciselée ?
1Information recueillie auprès d’une personne qui ne m’a pas donnée l’autorisation de citer son nom.
2 Information donnée par Sahraoui Brahim : il faisait référence à ce que disait le père de Amrouche Mouloud
3 Terrache Seddick : il avait collecté des informations auprès de Akkal Slimane et Saïd Oumensour
4 Ighzer iwaquren : dernier village d’une partie iwaquren, Ath Yeghzer, détruit par l’armée française le 6 mai 1957
5 Taddert N’ljedid iwaquren : dernier village d’une partie iwaquren, Ath Ttaddert, détruit par l’armée française le 4 novembre 1957
6 Raffour : village actuel des iwaquren réunis après leur déportation
7 Guerre d’Algérie : retrouver la trace du document qui trace cet événement
8 Waqur : un nom d’oiseau
9 Qualificatif donné à Iwaquren
10 Tajma3it :comité de gestion du village
11 Les archs, tribus berbères de Kabylie : histoire, résistance, culture et démocratie de Youcef Allioui ed L’Harmattan.
12 OTAN : organisation de l’alliance Atlantique Nord créée après la deuxième guerre mondiale, en 1949, composée de 30 pays d’Europe et d’Amérique du Nord, pour protéger la population et le territoire de ses pays membres.
13 La Suisse : les pays européens lui ont imposé une neutralité …
14 Amadou Hampâté Bâ : écrivain – Ethnologue Malien : «En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle».
Suite : stratégie et bataille de Tizimit.
Saïd HAMICHI
Azul Said, Merci pour tes écrits, tu viens d’ouvrir la voie pour écrire notre histoire, faire sortir nos aïeux de l’oubli et transmettre ce bien commun aux générations futures. J’espère que les contributeurs seront nombreux pour enrichir ce travail de mémoire.
Afud iggarzen
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