MOHAMED HAMICHI : une intelligence à l’état pur et une modestie naturelle, réunies

La morphologie et les attitudes de Mohamed confirment sa tendance à rester discret.  Elles ne montrent pas de personnalité particulière remarquable, de l’extérieur. Il n’est pas du genre à taper dans l’œil ou à plaire aux anciens par flagornerie, par tradition ou ‘par principe’. Quand il parle, il est écouté sans hausser le ton, sans imposer sa voix et sans faire du bruit. C’est dans les actes et dans les moments d’utilité et de besoin qu’il se distingue.

Savoir conjuguer la science, la modestie et l’ouverture d’esprit, c’est atteindre le Graal de l’intelligence. Mohamed s’en approche. Il se distingue par ses connaissances scientifiques discrètes, sa modestie visible, son ouverture d’esprit sans limites et sa multiculture. Enfant d’une famille modeste, son parcours et sa personnalité sont évocateurs. 

Marcher à sept mois
En général les bébés commencent à marcher entre dix et douze mois. Lui, il s’était levé et avait effectué ses premiers pas à sept mois; ce qui est exceptionnel et rare. ‘L’acquisition de la marche’ d’un bébé est un processus très long. Selon les spécialistes en psychomotricité et en psychologie du développement, dans cette action ‘tous les sens sont mobilisés pour se lever et bouger : des sensations visuelles, des sensations en provenance de l’oreille interne pour trouver son équilibre, des sensations proprioceptives (perception de son corps dans l’espace). Il faut que le bébé arrive à coordonner ses muscles. Toutes les parties de son corps doivent être en mouvement au bon moment et au bon endroit’. Cette exception de Mohamed sera confirmée quelques années plus tard, car sa vie lui réserve un parcours tortueux au cours duquel il devra montrer des aptitudes particulières.

Réussir brillamment dans l’adversité
Dès l’âge de trois ans, sa famille avait déménagé à Raffour, ‘pour fuir’ l’hostilité et la jalousie du voisinage. Son père, associé avec deux iwaquren à Maillot, se séparât d’eux et créât une épicerie en alimentation générale et de fruits et légumes à Raffour, avec deux autres associés, iwaquren. Trois ans plus tard, cette nouvelle aventure commerciale n’avait, malheureusement pas, déclinait et ne suffisait plus aux associés. Son père avait fait une erreur stratégique d’analyse du marché, dès la création de l’affaire. Il sera contraint de céder sa part et d’émigrer en France pour subvenir aux besoins de sa famille. Du jour au lendemain, il était passé du statut de patron à celui d’éboueur à Paris, à l’âge de quarante-sept ans. Il avait laissé derrière lui, sa femme et ses six enfants. Trois années plus tard, en 1970, il décédât d’une crise cardiaque à l’âge de cinquante ans. Mohamed ne l’avait pas revu vivant depuis le 22 avril 1967 lorsqu’il l’avait quitté devant l’épicerie de son oncle Mouloud sans même l’embrasser. Il avait sept ans, il était en classe de CE2 (Cours Élémentaire 2ème Année). 

Pendant toute cette période, son enfance fût secouée. En apparence, Mohamed n’exprimait pas et ne montrait pas ‘ la douleur de la mort de son père’. Il n’extériorisait pas un besoin de protection ou d’affection particulière de la part de ses frères, de ses oncles ou de tout autre proche parent pour compenser ce manque. Est-ce que celles de sa mère lui suffisaient et le comblaient ? Sans aucun doute. Dans son for intérieur, il ne comptait que sur elle qui le surveillait et le protégeait, discrètement. Lui, il se comportait en enfant respectueux de sa ‘mère-boussole’. Leur relation ne s’affichait jamais, on la sentait comme un parfum musc d’une rose qu’il faut chercher dans une roseraie de plusieurs dizaines de roses. Les deux sont des exemples de discrétion. L’anecdote suivante permet de comprendre leur complicité et l’attention de sa mère sur lui : un jour, voyant ses chaussures très usées, elle décidât de lui acheter une nouvelle paire, sans l’informer. D’habitude, elle savait ce qu’il fallait, compte tenu de son budget. Des chaussures pratiques et bon marché. Mais, pour la première fois, elle avait remarqué une paire de bottes ‘en cuir’, à la mode à l’époque et chère. Elle décidât de les acheter, malgré le prix élevé. Elle voulait faire plaisir à son fils, et lui montrer par ce geste, qu’elle est attentive à ce qui se passe autour de lui. Elle savait que ces bottes lui feront plaisir et qu’il allait être très heureux. Consciente de la passion de son fils pour le football et du nombre de paires de ‘basquettes’ usées, elle l’avait supplié et l’avait fait jurer de ne pas jouer avec, avant de les lui donner. Elle avait ajouté la fameuse ‘sanction divine’ pour celui ou celle qui trahit son serment: « Wekkel ɣak rabi ammi m-at-lɛbaḍ l bbalu ». Dans cette phrase, se cache le sacrifice et l’effort financier consentis par sa mère pour offrir un tel ‘cadeau’ à son fils’. Mohamed jurât, mit ses chaussures et sortit. Deux heures plus tard, il se retrouvât où ? Au stade, pour jouer un match, chaussé de ses ‘bottes’ en cuir neuves. Dix minutes après le début du match, il fût fauché et tombât sur sa main gauche, écrasant le ligament du poignet sous mon poids. Mohamed sût ‘le sacrilège’ qu’il venait de commettre. Il venait de ‘payer’ sa désobéissance, cash, se disait-il. Il ne pouvait même pas se relever.  Ses copains l’avaient mis sur la touche et avaient continué à jouer. Après quelques minutes, il s’était relevé avec sa main enflée. Conscient de son parjure et de la violation du serment, il devinait ce qui l’attendait à la maison. Il avait passé le reste de la journée dehors souffrant de douleur atroce et retardant le verdict. Le soir, il était rentré à la maison, la main dissimulée dans sa poche, évitant de faux mouvements. Après la galette et la purée de pomme de terre à l’huile d’olive, sa mère lui tendit une orange. A sa surprise, il l’avait refusée en prétextant qu’il n’avait plus faim. Il allât se coucher, et vers onze heures du soir, il s’était réveillé en criant de douleur insoutenable. Sa mère courût pensant à une morsure de serpent. Quand, elle arrivât, il lui montre sa main enflée et bleutée. Sans autre dessin, elle devinât immédiatement ce qui s’était passé sans attendre une explication. Après une engueulade mémorable, elle allait faire ce qu’elle savait faire. Elle était connue pour son expérience de rebouteuse, don qu’elle avait hérité de son père vétérinaire et rebouteur. Après avoir fait bouillir l’eau et ajouté du sel, elle avait pris une serviette et commençât le massage de la main. Cette ‘torture’  qui avait duré plus d’une demi-heure durant laquelle il n’avait pas arrêté de crier et de pleurer. Elle était insensible à ses cris ; au contraire, elle grommelait sa rage de ne pas l’avoir écouter. Le massage terminé, elle avait pris une assiette où elle mélangeât trois œufs dans de la semoule pour fabriquer un plâtre artisanal (tijbirt). Elle avait emplâtré la main et le poignet et les avait recouvert d’un pan tissu. Ce plâtre était resté trois mois, jusqu’il se détachât de la main. C’était le signe de la guérison. Pendant les trois mois, le plus dur pour Mohamed n’était pas l’immobilisation de sa main, mais l’impossibilité de pratiquer son sport favori.

Deux années après la disparition de son père, Mohamed s’était distingué dans son village; par son intelligence exceptionnelle. A l’examen de 6ème en 1972 qu’il avait passé à Bouïra, il avait été le seul admis sur vingt-six élèves de sa classe. Ceci avait été remarqué et remarquable à l’époque. Les enfants travaillaient beaucoup en classe et à la maison, sans aucune aide de leur parents, illettrés pour la plupart. Le seul objectif des parents et des enseignants était de faire réussir les enfants dans leurs études. Un tel taux de réussite faible était inenvisageable et incompréhensible. En septembre 1972, il rentre en classe de 6ème au collège Amrouche Mouloud.

Dormir ou étudier; il faut choisir
Malheureusement, la stabilité de la famille et de Mohamed allait être de courte durée. Son frère ainé, devenu ‘chef de famille’ selon la tradition kabyle’, déménageât toute la famille à Bouïra en 1974 dans le logement de fonction qu’on venait de lui octroyer, pour se rapprocher de son lieu de travail. Mohamed devait quitter Raffour et ses copains d’enfance qui avaient amorti le choc de la perte de son père et qui l’avaient aidé à apaiser sa douleur. A treize ans, il était ‘plongé dans un nouveau monde’ d’enfants arabes et kabyles qui ne parlaient que l’arabe. A Raffour, il habitait dans une maison de quatre pièces avec une cour. Il avait des copains avec lesquels il passait beaucoup de temps dehors, à l’air libre. Le voilà dans un appartement de quarante-cinq mètres carrés au milieu d’une famille nombreuse composée de sa mère, de sa sœur, de ses deux belles sœurs et de ses neveux en bas âge. Il apprenait ses leçons et faisait ses devoirs dans des conditions qu’il souhaite oublier. A l’extérieur, il n’avait aucune activité pour se distraire en dehors des études. Il ne connaissait personne. Cette période qui avait duré six ans, de la classe de 5ème jusqu’en classe de Terminale au lycée Abderahmane Mira, l’avait marquée à plus d’un titre; à vie. Plus que celle au cours de laquelle il avait perdu son père. Trois années après, la vie de la famille fût chamboulée une énième fois. Plusieurs difficultés s’étaient accumulées, en même temps et en peu de temps.  Son frère ainé tombât malade de la tuberculose qui avait failli ‘l’emporter’. Il avait passé plus de sept années dans les hôpitaux de Bouïra, de Tizi Ouzou et de Beni Messous. Son autre frère, qui avait fini ses études supérieures à l’INH de Boumerdés sur lequel la famille comptait s’appuyer, fût appelé au service national à Oran pour deux ans. Son troisième frère était étudiant à l’INGM à Boumerdés. Mohamed s’était retrouvé, seul garçon adolescent, avec la famille de plus en plus nombreuse et des ressources financières qui s’amenuisaient. Sans oublier les disputes familiales inhérentes à toute famille kabyle de frères mariés unis où la maman tenait les rênes, en l’absence d’un homme adulte. Heureusement, ‘chère maman’, ‘une pilote aguerrie’, était là pour mener la barque dans la tempête. Pendant cette période critique, il avait vu les qualités de sa ‘mère courage’ et battante pour affronter toute l’adversité. Elle était son école, son université, sa banque de valeurs, sa lumière dans la pénombre. Elle était tout.

Cette période d’une dizaine d’années, entre 1970 et 1980, fut très difficile à vivre mais riche d’enseignements. Elle s’était achevée sur une note positive et optimiste. Après l’obtention de son BAC, il avait quitté le foyer familial pour un univers formateur en rencontres et en savoirs.

Comment Mohamed a-t pu faire ses études et réussir dans une telle promiscuité et un tel dénuement ? C’est là qu’il eut un quatrième signe de résistance, ‘d’abnégation’ et de volonté de réussir. Effectivement, il avait passé les trois années du collège et les trois années du lycée sans avertissement, ni redoublement, ni échec aux examens. Cerise sur le gâteau, il avait réussi son BAC Mathématiques avec mention A-Bien en 1979. Mais, avec les conditions de vie de Mohamed à Bouïra, très peu de personnes auraient réussi à n’importe quel examen encore moins au BAC. Il lui a fallu un moral d’acier, une volonté de fer et une organisation d’un commando dans la préparation de l’examen. Dans cet appartement de deux pièces où vivaient une famille d’une dizaine de personnes dont cinq enfants, étudier c’est prendre des risques sur sa santé mentale, physique et psychologiques. Pour faire ses devoirs, il fallait attendre que tout le monde soit au lit, généralement tard la nuit, vers onze heures du soir. Avec un peu de chance, il pouvait utiliser un petit espace dans la cuisine pour réviser ses leçons et faire ses devoirs. Pour les fournitures scolaires, Mohamed exploite la thèse arabe : Al 3ilmou Fi Arassi, oua Layssa Fil El Kourass’ (le savoir est dans la tête, non dans le cahier). Et un peu de l’antithèse latine ‘ Les écrits restent et les paroles s’en vont’ (El 3ilmou Youkteb oua El kalam Yadhab Ma3a Haoua) . Chaque année il achetait deux cahiers de quatre-vingt- seize pages et un stylo qu’il met dans un sachet en plastique comme cartable. Et ce pendant les années du lycée. 

Arrivé en Terminale, il se rappelât qu’il avait le BAC à passer. Il était quasiment hors du lycée, loin d’être près. Il continuait sa vivre ‘normalement’. A deux mois de l’examen, il se ‘réveillât’ par un miracle dont il ne se souvient pas. Alors, que faire après trois années ‘d’oubli’ qu’il était lycéen ? De toutes les façons, il faut passer l’examen et le réussir ; il sait que l’échec n’était pas envisageable. La famille s’était réunie et décidé de lui donner une chance d’emménager à Raffour et de laisser avec son frère ainé qui travaille à Bouïra dans l’appartement. Avec l’aide de quelques amis qui lui prêtés des annales du Bac, il s’est mis au travail jour et nuit, pendant deux mois, pour essayer de combler un vide académique de trois années. et il avait réussi avec une Mention A.Bien

Devenir scientifique pour faire autre chose
La nouvelle université de Tizi Ouzou, où il avait passé quatre années, lui avait ouvert ses portes pour préparer un DES en physique. Seul awaqur, en 1979 et éloigné des siens, la rencontre d’étudiants d’autres kabyles élevés avec des valeurs libérales et dépoussiérées de tabous, plus que chez iwaquren, lui avait ouvert un peu plus l’esprit. Il avait appris la sociologique et la culture de la diversité kabyle. Mohamed commençait à faire la différence entre valeurs et tabous ; principes et dogmes, respect et ‘soumission’. Il avait appris à outrepasser certaines règles qu’il jugeait sans fondement culturel ou scientifique. Il s’était transformé en multipliant les activités extra scolaires. Pendant les vacances scolaires, il prenait son sac à dos et partait avec ses copains faire du camping sur les plages où en montagne. Scientifiquement, tout s’est déroulé sans difficultés, comme il savait le faire depuis l’école primaire. Il semblait avoir trouvé sa ‘vraie maison’ où il s’était senti vivre; être utile et actif; militer; découvrir ses origines et la répression politique et culturelle. C’est dans cette université qu’il avait vécu la violence et la brutalité militaire du printemps berbère. Il a été terrorisé la nuit du 20 avril 1980. C’est dans cette université de formation scientifique et politique, vivier d’intellectuels, qu’il s’était épanoui et avait développé ses capacités intellectuelles. Il est un pur produit de l’université algérienne de l’époque. Il en garde le meilleur, la liberté intellectuelle et le pire, la répression culturelle. En 1983, il obtint un DES de physique avec mention Bien. Blessé dans sa chair par le printemps berbère qu’il avait vécu de l’intérieur, il était devenu un observateur averti de l’Algérie et de son devenir. Il savait que son futur dans le domaine scientifique, ne serait pas en Algérie. Il fallait s’exiler. 

C’est ce qu’il avait fait en obtenant une bourse d’études supérieures pour continuer mes études de Physique en Angleterre. Dans ce pays, il avait vécu une quinzaine d’années, entre les études et les activités professionnelles. Les études débutaient par un stage d’immersion, de six mois, dans la culture britannique au sein d’une famille d’accueil à Bristol, au sud-ouest d’Angleterre. Ensuite, il avait poursuivi ses études de recherche en physique des solides à l’université de Sussex. Il avait obtenu son Master en 1985 et son Doctorat en 1989, soit dix années d’études après le BAC. Sa formation l’orientait, naturellement, vers la recherche scientifique. Ce qu’il fût d’abord au CNRS en France de 1989 à1991. Après deux années de recherche dans le domaine de la physique des surfaces et cinq publications, il est retourné en Angleterre, son pays d’adoption. Le système universitaire français qui a des lourdeurs administratives contraignantes et inefficaces pour faire de la recherche scientifique l’avait dissuadé de continuer. En Angleterre, il avait intégré un laboratoire de recherche à l’université d’Exeter dans le domaine des micro cristaux, jusqu’à 1994. Une nouvelle opportunité s’est présentée à lui pour rentrer au Royal Institution à Londres. Il y était admis et affecté à Daresbury au Nord d’Angleterre pour diriger une équipe de recherche sur les micro cristaux en utilisant les radiations synchrotron. Pendant cette période, il avait crée en 1992, une association (North African Berber Association) pour promouvoir la culture berbère au Royaume Uni. Dès son lancement ils avaient offert un ordinateur et une imprimante au département Tamazight de Bejaia qui a été créé en 1991.

Dans son parcours professionnel, on remarque une instabilité de Mohamed dans cette activité de recherche scientifique en changeant de laboratoires tous les deux ou trois ans. Il avait compris qu’il ne trouvait plus d’intérêt et d’épanouissement dans un centre de recherche. Il fallait passer à autre chose. Le besoin d’autonomie et d’indépendance avait fini par s’imposer. Effectivement, en 1996 il avait quitté définitivement la recherche scientifique et le milieu académique pour créer une entreprise en informatique. Avant de quitter définitivement le milieu académique, en tant que physicien que j’utilisais la programmation dans la modélisation des résultats des expériences en physique, il avait étendu ses connaissances en s’auto-formant dans les nouvelles technologies pour ensuite donner des cours de programmation dans des entreprises. C’est une autre caractéristique de Mohamed qui montre son agilité pour trouver sa voie quel que soit les conditions.

L’homme à découvrir et à connaître : est-ce l’homme qui cache le science ou la science qui cache l’homme ?
En retraçant son parcours, on découvre que sa personnalité de Mohamed est cachée la modestie et la résistance. Jusqu’à l’âge de trente ans et l’obtention de son doctorat, sa vie avait subi des secousses qu’il a exploitées pour se former en homme libre et sans frontières. Ces secousses l’ont aidé à murir, se bonifier et se développer. Il ne les avait pas considérés comme des blessures ou des coups du sort contre lesquels il faut céder. Il les intégrait comme des expériences à exploiter. Mohamed s’est éduqué seul en écoutant les conseils de sa mère et en respectant les règles de la communauté iwaquren. Il a construit sa personnalité sur les valeurs et les bases de l’éducation de sa famille, la modestie, la générosité, l’empathie et le respect. Il a appris ‘la vie’ en compagnie de ses copains iwaquren, en vivant avec les étudiants de l’université de Tizi Ouzou et en ‘se frottant’ au monde occidental libéral dès l’âge de vingt-trois ans. Sa mère qui veillait un peu plus sur lui, avait érigé une devise, qu’il a fait sienne :‘compter sur soi-même et ne dépenser que ce qu’on gagne’. Naturellement, il avait montré dans des moments de doute et de difficultés, une intelligence, une maturité et une résistance d’une personnalité qui sait encaisser sans être déstabilisé

Son visage dégage une sérénité et un calme qui camouflent une personnalité intransigeante et forgée dans la difficulté. D’un naturel insoupçonné, il emploie son énergie et surtout son intelligence, sans effort et sans épuisement, dans un travail interne de construction de sa vie ignorant les tabous et se focalisant sur ce qu’il veut faire et qu’il aime faire. Il sait concentrer ses efforts sur les opportunités qu’il sent porteuses et aux moments de prise d’envol vers la destination qu’il s’est fixée. Il a appris à gérer le temps sans se précipiter.

Son attitude discrète et sa réserve vis-à-vis de ses frères, cachaient en fait, une autonomie physique et une indépendance d’esprit. Il aimait être dehors avec ses copains et jouer au football, son sport favori, quand il n’est pas en classe. A ses frères qui travaillaient, il ne demandait rien. Il s’était adapté à sa situation sans rien exiger des autres jusqu’à ce ‘qu’il vole’ de ses propres ailes. Il n’était pas un dépensier, il savait maitriser voire ignorer et ‘réprimer’ ses désirs, conscient de la fragilité financière de sa famille et de l’incapacité de sa mère pour lui offrir ce qu’il veut. Comme tout enfant de son âge, quand il avait besoin de croquer un bonbon, il demandait, de temps à autre, une petite pièce, avec ‘sa phrase’ dont ses proches se rappellent toujours : il lui disait, ‘Adda Lmouloud, son beau-frère, Fikiyi tadourout’, (tonton Mouloud, donnes moi une petite pièce de 5 centimes), pour s’offrir un bonbon chez son oncle Mouloud. Il osait faire cela parce qu’il était proche de son neveu Nacer, choyé par son père qui cédait aux sollicitations de ses enfants.

La morphologie et les attitudes de Mohamed confirment sa tendance à rester discret. Elles ne montrent pas de personnalité particulière remarquable, de l’extérieur. Il n’est pas du genre exubérant et expansif. A Raffour, il avait son cercle de copains et d’amis d’enfance avec lesquels il reste fidèle jusqu’à ce jour. Il n’est pas du genre à taper dans l’œil ou à plaire aux anciens par flagornerie, par tradition ou ‘par principe’. Quand il parle, il est écouté sans hausser le ton, sans imposer sa voix et sans faire du bruit. Il ne se faisait pas remarquer à Tajma3it qu’il fréquentait peu. C’est dans les actes et dans les moments d’utilité et de besoin qu’il se distingue. Il ne laisse rien paraître à l’extérieur. Depuis sa jeunesse, il s’intéresse et s’implique dans la communauté iwaquren. Il était un joueur du club de Football de Raffour, il avait participé à tous les volontariats organisés par la communauté quand les circonstances le lui permettaient. A Tizi Ouzou, ses copains d’enfance qu’il avait quittés plusieurs années auparavant, l’avaient rejoint l’année suivante en 1981. Il les avait aidé avec ses connaissances de l’université, notamment dans leurs choix. 

Ces dernières années, il a contribué intellectuellement, culturellement et moralement dans les associations iwaquren. Il a équipé Tajma3t d’un ordinateur et d’une imprimante; et l’association Tussna d’un appareil photo/caméra video. Il a financé et créé deux sites Web (www.iwaquen.com et www.tussna.com). Un des projets sur lequel il travaille est l’écriture de l’histoire de la communauté iwaquren. En France, il est toujours disponible pour aider ou donner des conseils à ceux et celles qui le sollicitent. Il est en cours de finalisation de l’application ATDI pour gérer tous les membres de l’association et leurs souscriptions.

Docteur en physique et scientifique de l’université du Sussex en Angleterre, il reste attaché à ses racines iwaquren en ayant peu vécu parmi eux. Il fait rarement référence à sa formation scientifique en dehors de son univers professionnel et universitaire. Mohamed laisse libre cours à son imagination et sa libre pensée sans se poser de contraintes. Il est un libre penseur. Sa vie dans un univers multinational et multiculturel depuis presque quarante ans n’a pas altéré les valeurs de ses ancêtres auxquelles il reste attacher. Il peut parler de Keepling, de Matoub, de khalis Slimane, du tempérament éruptif de son oncle Mouloud, des Beatles, avec des mots simples et avec le même ton. Ceci témoigne de la force des celles-ci et des principes d’éducation de sa mère. Il vit et travaille avec des anglais, des français, des japonais, des belges et des américains. Il peut vivre avec des Inuits ou des Pygmées dont il épousera leurs cultures et s’adaptera à leurs traditions, naturellement. Mais, il ne se départira jamais de ses origines. Il lit Feraoun, Mammeri, Tahar Djaout, Gabriel Marquez, Naguib Mahfouz, Charles Dickens, Sartre, Albert Camus…il écoute, ses deux styles préférés ; le Chaabi Kabyle interprété par El Hasnaoui et Matoub et le Blues interprété par Robert Johnson et Muddy Waters.

Saïd HAMICHI

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